Le Chemin Écriture du Spiritisme Chrétien.
Doctrine spirite - 1re partie. ©

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Revue spirite — Année XI — Avril 1868.

(Langue portugaise)

LA FIN DU MONDE EN 1911.

1. — La fin du monde en 1911, tel est le titre d’une petite brochure in-18, de 58 pages, répandue à Lyon  †  avec profusion, et qui se trouve dans cette ville chez Josserand, n libraire, place Bellecour,  †  nº 3. Aux considérations tirées de la concordance de l’état actuel des choses avec les signes précurseurs annoncés dans l’Évangile, l’auteur ajoute, d’après une autre prophétie, un calcul cabalistique qui fixe la fin du monde à l’an 1911, ni plus ni moins, c’est-à-dire dans 43 ans ; de sorte que, parmi les vivants d’aujourd’hui, plus d’un sera témoin de cette grande catastrophe. Or, il ne s’agit point ici d’une figure ; c’est la fin bien réelle, l’anéantissement de la terre, la dispersion de ses éléments, et la destruction complète de tous ses habitants. Il est regrettable que la manière dont s’accomplira cet évènement ne soit pas indiquée, mais il faut bien laisser quelque chose à l’imprévu.

Il sera précédé du règne de l’Antéchrist ; Selon ces mêmes calculs, qui n’ont pas été faits par Arago, ce personnage est né en 1855 et doit vivre 55 ans et demi ; et comme sa mort doit marquer la fin des temps, cela nous porte juste en 1911, à moins qu’il n’y ait eu quelque erreur de calcul, comme pour 1840.

On se rappelle, en effet, que la fin du monde avait aussi été prédite pour l’année 1840 ; on la croyait tellement certaine, qu’elle était prêchée dans les églises, et nous l’avons vu annoncée dans certains catéchismes de Paris aux enfants de la première communion, ce qui n’a pas laissé d’impressionner fâcheusement quelques jeunes cerveaux. Comme le meilleur moyen de sauver son âme a toujours été de donner de l’argent, de se dépouiller des biens de ce monde qui sont une cause de perdition, des quêtes ont été faites, des donations provoquées dans ce but. Mais l’Esprit du mal se glisse partout en ce siècle de raisonneurs, et pousse aux plus mauvaises pensées ; nous avons entendu, de nos propres oreilles, des élèves de catéchisme faire cette réflexion : « Si, disaient-ils, la fin du monde arrive l’année prochaine, comme on nous l’assure, elle sera pour les prêtres aussi bien que pour les autres ; alors, à quoi donc leur servira l’argent qu’ils demandent ? » Il n’y a vraiment plus d’enfants, sinon des enfants terribles.


2. — En sera-t-il de même de l’an 1911 ? La brochure en question nous donne un moyen certain de nous en assurer, c’est le portrait de l’Antéchrist auquel il sera facile de reconnaître l’original ; il est assez caractéristique pour qu’on ne puisse s’y méprendre. Il est tracé par un célèbre prophète allemand, Holzauzer, né en 1613, et qui a écrit un commentaire sur l’Apocalypse.  n

Selon Holzauzer, l’Apocalypse n’est autre chose que l’histoire entière de l’Église catholique depuis sa naissance jusqu’à la fin du monde, histoire qu’il partage en sept époques, figurées, dit-il, par les sept Églises auxquelles s’adresse saint Jean. Voici quelques-uns des traits les plus caractéristiques de l’Antéchrist et des événements qui doivent précéder sa venue.


« Nous touchons en ce moment à la fin de la cinquième époque. C’est alors qu’arriveront ces épouvantables malheurs annoncés dans l’Apocalypse (chap. VIII). La peste, la guerre, la famine, les tremblements de terre feront d’innombrables victimes. Tous les peuples se lèveront les uns contre les autres ; la guerre sera générale en Europe ; mais l’incendie éclatera d’abord en Allemagne…

« Après ces guerres formidables qui ensanglanteront le monde entier, le protestantisme disparaîtra pour jamais, et l’empire des Turcs s’écroulera. Ce sera le commencement du sixième âge.

« Les peuples épuisés par ces combats meurtriers, effrayés par les horribles fléaux qui marqueront la fin de la cinquième époque, reviendront au culte du vrai Dieu. Sortie victorieuse des luttes sans nombre qu’elle aura soutenues contre les hérésies, l’indifférence et la corruption générale, la religion du Christ refleurira plus brillante que jamais. Jamais l’Église catholique n’aura eu un triomphe aussi éclatant. Ses ministres, modèles de toutes les vertus, parcourront le monde pour faire entendre aux hommes la parole de Dieu…

« Mais ce triomphe de la religion sera de courte durée. Le vice abattu, mais non anéanti, relèvera peu à peu la tête, et bientôt la corruption, faisant de rapides progrès, envahira de nouveau toutes les classes de la société, et s’introduira jusque dans le sanctuaire. C’est alors que l’on verra l’abomination de la désolation annoncée par le prophète. Le monde entier ne sera plus qu’une immense sentine de vices et de crimes de toutes sortes. Ainsi finira le sixième âge.

« Alors viendra sur la terre celui que les prophètes et les Pères de l’Église ont désigné sous le nom d’Antéchrist.

« Pauvre et inconnu, il vivra d’une vie misérable pendant son enfance et sa première jeunesse. Elevé par son père dans l’étude des sciences occultes, il s’y adonnera avec fureur et y fera de rapides progrès. Doué d’une intelligence peu commune, d’un esprit ardent et résolu, et d’un caractère de fer, il montrera, dès son berceau, les plus violentes passions. Reconnaissant dans cet enfant les redoutables qualités de celui qui doit un jour le seconder si ardemment dans sa lutte contre le genre humain, Satan tressaillera de joie, et lui communiquera peu à peu toute sa puissance.

« Tous ceux qui l’approcheront, seront émerveillés de ses discours et de ses actions. On le regardera comme un enfant prédestiné à de grandes choses, et l’on dira que la main du Seigneur s’est étendue sur lui pour le protéger et le conduire…

« Peu à peu, la renommée aidant, et grossissant encore les merveilles attribuées au jeune chef, le nombre de ses sectaires deviendra rapidement très considérable…

« Bientôt se voyant à la tête d’une véritable armée composée d’hommes dévoués jusqu’à la mort, il n’hésitera plus à prendre le titre de roi. Pendant quelque temps, il s’occupera d’organiser sa puissance, et de mettre un peu d’ordre parmi ses nouveaux sujets, tout en ne négligeant rien pour en augmenter le nombre. N’ayant pas de nom de famille, il prendra le nom de Christ, que lui auront déjà donné les Juifs…

« Son ambition grandissant avec sa fortune, il formera, dans son orgueil, le dessein de conquérir toute la terre, et de soumettre tous les peuples à ses lois…

« En quelques jours, l’Antechrist rassemblera une armée immense, et l’on verra ce nouvel Attila engloutir l’Europe sous les flots de ses hordes barbares. Les armées ennemies, frappées d’épouvante à la vue des nombreux prodiges qu’il fera, se laisseront disperser et anéantir, sans même essayer de combattre. Trois grands royaumes seront conquis sans coup férir. Leurs souverains expieront dans les plus cruels supplices, leur refus de soumission ; et les peuples vaincus seront livrés sans merci à toutes les fureurs d’une soldatesque effrénée. Terrifiés en apprenant ces barbares vengeances, les autres nations se soumettront aussitôt. La terre entière ne formera plus alors qu’un seul et vaste royaume, que l’Antechrist gouvernera à son gré. Il fera rebâtir, avec une magnificence inouïe, la ville de Jérusalem, et en fera le siège de son empire…

« Entraîné par sa fatale destinée, il fera tous ses efforts pour détruire toutes les religions, et surtout la religion catholique. Sur les débris de l’ancien culte, il reconstruira l’édifice d’un culte nouveau, dont il sera à la fois le grand-prêtre et l’idole. Cette nouvelle religion aura partout ses défenseurs et ses prêtres. L’un des plus acharnés et des plus terribles, celui que saint Jean a désigné dans les versets 11, 12, 13, du chapitre XIII, par la bête aux deux cornes, semblables à celles de l’agneau, sera le grand apostat. Holzauzer l’appelle ainsi parce qu’il sera un des premiers à renoncer au Christianisme pour se dévouer avec fureur au culte de l’Antechrist.

« En ce temps-là règnera sur le trône de saint Pierre un pontife saint du nom de Pierre. Frappé de douleur à la vue de ces malheurs épouvantables, et prévoyant les dangers terribles que courront les fidèles, il enverra dans toute la chrétienté de saintes exhortations pour prémunir chacun contre les séductions de l’Antechrist, dont il dévoilera clairement la perfidie. Furieux de cette résistance ouverte et de l’influence immense du Saint-Père, le grand apostat entrera dans Rome à la tête d’une armée, et tuera de sa main le dernier successeur de Pierre sur les marches mêmes de l’autel…

« Partout les églises seront envahies, les sanctuaires violés, les objets du culte profanés. Les livres saints seront brûlés, la croix et tous les symboles de notre auguste religion foulés aux pieds et traînés dans la poussière. Les tableaux et les statues exposés à la vénération des fidèles seront renversés ; à leur place s’élèvera la statue maudite de l’Antechrist. – Et cette statue parlera, dit le prophète…

« Et l’on verra des hommes instruits et éloquents prêcher cette idolâtrie d’un nouveau genre, et dans un langage brillant et imagé exalter les louanges de celui dont la statue parle et fait des miracles…

« Pour frapper les yeux de la multitude et subjuguer les masses, l’Antechrist accomplira des prodiges étonnants. Il transportera les montagnes, marchera sur les eaux et s’élèvera dans les airs tout brillant de gloire. Il fera paraître en même temps plusieurs soleils ou plongera la terre dans la plus complète obscurité. A sa voix la foudre tombera du ciel, les rivières suspendront leur cours, les murailles s’écrouleront. Devenant invisible à son gré, il se rendra d’un lieu dans un autre avec une merveilleuse rapidité, et il se montrera dans plusieurs endroits à la fois. Enfin, comme nous l’avons vu, il animera son image et lui communiquera une partie de sa puissance. Mais tous ces prodiges ne seront, pour la plupart, que des illusions d’optique et le résultat d’une fantasmagorie diabolique ; ce ne seront point de vrais miracles, car Satan, avec toute sa puissance, ne saurait changer les lois de la nature… »


Remarque. Si ce ne sont pas là des miracles, dans l’acception rigoureuse du mot, nous ne savons à quoi on peut donner ce nom ; et si ce sont, pour la plupart, des illusions d’optique, ces illusions s’écartent singulièrement des lois de la nature, et seraient elles-mêmes des miracles, car on n’a jamais vu la foudre tomber et les murailles s’écrouler par des effets d’optique. Ce qui ressort de plus clair de cette explication, c’est la difficulté de distinguer les vrais miracles des faux, et de faire, dans les effets de cette nature, la part des saints et celle du diable.


« En même temps qu’il frappera tous les esprits d’étonnement et d’admiration, l’Antechrist, pour gagner tous les cœurs, affichera tous les dehors de la vertu la plus austère. Pendant qu’il se livrera aux plus honteuses débauches au fond de son palais, il aura l’air de faire croire à sa tempérance et à sa chasteté. Prodiguant autour de lui l’or et l’argent, il fera de grands biens aux pauvres, et ce ne seront en tous lieux que concerts de louanges pour sa bienfaisance et sa charité. On le verra chaque jour passer des heures entières en prières dans son temple ; en un mot, il se couvrira du manteau de l’hypocrisie avec tant d’habileté, que même ses plus fidèles serviteurs seront persuadés de sa vertu et de sa sainteté. »

« Le Seigneur, cependant, ne laissera pas ses enfants sans défense et sans secours pendant ces temps d’épreuve. Enoch  †  et Élie reviendront sur la terre pour y prêcher la parole de Dieu, soutenir le courage des fidèles, et dévoiler les impostures des faux prophètes. Pendant douze cent soixante jours, ou trois ans et demi, ils parcourront le monde, exhortant tous les hommes à faire pénitence et à revenir au culte de Jésus-Christ. Ils opposeront de vrais miracles aux prétendus prodiges de l’Antechrist et de ses apôtres… Mais après qu’ils auront achevé leur témoignage, la bêle qui monte de l’abîme (l’Antechrist) leur fera la guerre, les vaincra et les tuera. »


Remarque. On ne saurait affirmer plus carrément la réincarnation. Ce n’est point ici une apparence, une illusion d’optique, c’est bien la réincarnation en chair et en os, puisque les deux prophètes sont tués.


« Alors l’orgueil de l’Antechrist ne connaîtra plus de bornes. Fier de la victoire qu’il vient de remporter sur les deux prophètes qui bravaient si impunément sa puissance depuis trois ans et demi, il se fera construire un trône magnifique sur la montagne des Oliviers, et là, entouré d’une légion de démons transformés en anges de lumière, il se fera adorer par la multitude immense qui sera réunie pour jouir de son triomphe.

« Mais le vingt-cinquième jour arrivé, le corps des deux prophètes, animé par le souffle de Dieu, ressuscitera, et ils monteront au ciel, tout brillants de gloire, à la vue de la foule épouvantée. Aveuglé par la colère et la haine, l’Antechrist annoncera qu’il va monter au ciel y chercher ses ennemis, et les précipiter sur la terre. En effet, parti sur les ailes des démons qui l’entourent, il s’élèvera dans les airs ; mais à ce moment le ciel s’ouvrira, et le Fils de l’homme apparaîtra sur une nuée lumineuse. L’Antechrist sera précipité du ciel avec son cortège de démons, et la terre s’entrouvrant, il descendra tout vivant dans l’enfer…

« Alors la fin du monde sera proche. Il ne s’écoulera plus des années, ni des mois, mais peu de jours, dernier terme donné aux hommes pour faire pénitence. Les prodiges les plus effrayants se succéderont sans relâche, jusqu’à ce que le monde entier périsse dans un immense bouleversement.

« Voilà ce qu’annonce Holzauzer, et ceci n’est que l’explication de ce qui est contenu dans l’Apocalypse ; c’est la doctrine de tous les Pères de l’Église, renfermée dans l’Évangile et les actes des apôtres.  »


Remarque. Ainsi finira donc le monde ! Ce n’est pas le rêve d’un homme, c’est la doctrine de tous les Pères qui sont la lumière de l’Église.

Ceux de nos lecteurs qui n’ont qu’une idée vague de l’Antechrist, nous saurons gré de le leur avoir fait connaître avec quelques détails d’après des autorités compétentes. S’il n’a que quarante-trois ans devant lui, nous ne devons pas tarder à voir ce règne merveilleux. A ces signes, nous reconnaîtrons l’approche de la date fatale.

Ce qu’il y a d’étrange dans ce récit, c’est l’effacement de la puissance de Dieu et de son Église devant celle de l’Antechrist. En effet, après un triomphe de courte durée, l’Église succombe de nouveau pour ne plus se relever ; la foi de ses ministres n’est pas assez grande pour empêcher la corruption de s’introduire jusque dans le sanctuaire. N’est-ce pas là un aveu naïf de faiblesse et d’impuissance ? Ce sont des choses que l’on peut penser, mais qu’il y a maladresse à crier sur les toits.

Il eût été bien étonnant que le Spiritisme n’eût pas trouvé place dans cette prédiction ; il y est, en effet, indiqué comme l’un des signes des temps, et voici en quels termes. Ce n’est plus Holzauzer qui parle, c’est l’auteur de la brochure.


3. —  Mais voici que ces bruits se précisent, que ces terreurs qui paraissent chimériques, prennent de la consistance et se formulent nettement. La fin du monde approche, s’écrie-t-on de toutes parts ! En Europe, dans les pays catholiques, on rappelle de vieilles prophéties qui, toutes, annoncent ce grand événement pour notre époque…

« Il n’est pas jusqu’aux Esprits frappeurs qui ne donnent l’alarme. Ouvrez Le Livre des Esprits d’Allan Kardec, vous lirez à la première page, dans les prolégomènes, les paroles suivantes : « Les Esprits annoncent que les temps marqués par la Providence pour une manifestation universelle sont arrivés, et qu’étant les ministres de Dieu, et les agents de sa volonté, leur mission est d’instruire et d’éclairer les hommes, en ouvrant une nouvelle ère pour la régénération de l’humanité. »


Remarque. Nous ne voyons pas qu’annoncer la régénération de l’humanité ce soit annoncer sa fin ; ces deux idées se contredisent. Les Esprits, au lieu de donner l’alarme, viennent apporter l’espérance.


« Et d’abord le prophète Joël nous dit : « En ces temps-là, la magie couvrira toute la terre, et l’on verra jusqu’aux enfants à la mamelle faire des choses extraordinaires, et tenir des discours comme de grandes personnes. »  n

« Le Spiritisme, cette magie du dix-neuvième siècle, a envahi le monde. Il y a à peine quelques années, en Amérique, en Angleterre, en France, des phénomènes surprenants, inouïs, excitèrent la curiosité générale. Des meubles inertes s’animant à la volonté des opérateurs, se livraient aux plus fantastiques évolutions, et répondaient sans hésitation aux questions qu’on leur adressait. On chercha quelle pouvait être la cause intelligente de ces effets intelligents. Les tables répondirent : Ce sont des Esprits, les âmes des hommes que la mort a enlevés, qui viennent communiquer avec les vivants. De nouveaux phénomènes se produisirent. On entendit comme des coups frappés dans les meubles, dans les murs des habitations ; on vit des objets se mouvoir spontanément ; on entendit des voix, des symphonies ; on vit même des apparitions de personnes mortes depuis longtemps. Les prodiges se multipliaient. Il fallait vouloir pour voir ; il fallait voir pour être convaincu.

« Bientôt une nouvelle religion s’organisa. Interrogés, les Esprits rédigèrent eux-mêmes le code de leur nouvelle doctrine. Ce fut, il faut l’avouer, un système philosophique admirablement bien combiné sous tous les rapports. Jamais le plus adroit sophiste ne sut aussi bien déguiser le mensonge et le paradoxe. Ne pouvant pas, sans dévoiler leur origine et éveiller les soupçons, briser tout d’un coup avec les idées de Dieu et de vertu, les Esprits commencent par reconnaître hautement l’existence de ce Dieu, la nécessité de cette vertu ; mais ils font si peu de différence entre le sort des justes et celui des méchants, que l’on est forcément amené, par ces croyances, à satisfaire toutes ses passions, et à chercher dans la mort un refuge contre le malheur. Le crime et le suicide sont les deux conséquences fatales de ces principes, qui paraissent, au premier abord, empreints d’une morale si belle et si pure.

« Pour expliquer l’anomalie de ces communications d’outre-tombe, les Esprits n’ont pas pu s’empêcher d’annoncer, ainsi que nous l’avons vu, que les temps marqués par la Providence étaient arrivés ; mais ne voulant pas parler de la fin du monde, ce qui n’entrait nullement dans leur système, ils ont ajouté : « pour la régénération universelle de l’humanité. »


4. Remarque. — Par une singulière coïncidence, le jour même, 24 février, où nous parvint cette brochure, qui nous était adressée par un de nos correspondants de Lyon,  †  et au moment où nous lisions ces derniers paragraphes, nous recevions des environs de Boulogne-sur-Mer  †  une lettre dont nous extrayons les passages suivants :


« C’est du fond d’une obscure vallée du Boulonais  †  que vous parviennent ces quelques mots, reflets d’une existence souffrante ; car le Spiritisme pénètre partout pour répandre la lumière et les consolations. Personnellement, que de soulagements ne lui dois-je pas, ainsi qu’à vous, monsieur, qui en êtes le dispensateur !

« Né de parents très pauvres, chargés de huit enfants, dont je suis l’aîné, hélas ! je n’ai pas encore jusqu’ici gagné mon pain, quoique âgé de vingt-neuf ans, par la débilité de ma constitution. Joignez à cela une propension innée à l’orgueil, à la vanité, à la violence, etc., et jugez de ce que je dus endurer de maux dans ma misérable condition avant que le Spiritisme fût venu m’expliquer l’énigme de ma destinée. C’était au point que j’avais, à part moi, résolu de me suicider.

« A cet effet, pour calmer mes appréhensions et les reproches de ma conscience, je m’étais dit, dans ma foi de catholique : Je me frapperai d’un coup qui, tout en étant mortel, ne me fera pas mourir instantanément, et me laissera disposer d’assez d’instants de vie pour que j’aie la possibilité de me confesser, de communier et de manifester mon repentir ; en un mot, de me mettre en état de m’assurer une vie heureuse en l’autre monde, tout en échappant aux maux de celui-ci.

« Mon raisonnement était bien absurde, n’est-ce pas, monsieur ? Et pourtant n’était-il pas conséquent avec le dogme qui nous affirme que tout péché, tout crime même, est effacé par le simple aveu fait à un prêtre qui donne l’absolution ?

« Maintenant, grâce à la connaissance du Spiritisme, de pareilles idées sont à jamais bannies de ma pensée ; cependant que d’imperfections il me reste encore à dépouiller ! »


Ainsi le Spiritisme a empêché un acte, un crime, qui eût été commis, non en l’absence de toute foi, mais bien, dit la personne, par une conséquence même de sa foi catholique. Dans ce cas, quelle a été la plus puissante pour empêcher le mal ? Ce jeune homme sera-t-il damné pour avoir suivi l’impulsion du Spiritisme, œuvre du démon, selon l’auteur de la brochure, et eût-il été sauvé, tout en se suicidant, mais ayant reçu, avant de mourir, l’absolution d’un prêtre ? Que, la main sur la conscience, l’auteur de la brochure réponde à cette question.


5. — Les fragments rapportés ci-dessus ayant été lus à la Société de Paris,  †  notre ancien collègue, Jobard, vint spontanément donner, sur ce sujet, la communication suivante, par un médium en somnambulisme spirituel :


(Société de Paris, 28 février. Méd. M. Morin.)

Je passais, quand l’écho m’apporta la vibration d’un immense éclat de rire. Je prêtai l’oreille, et, ayant reconnu le bruit du rire des incarnés et des désincarnés, je me dis : La chose est sans doute intéressante ; allons voir !… Et je ne croyais pas, messieurs, avoir le plaisir de venir passer la soirée près de vous. Cependant j’en suis toujours heureux, croyez-le bien, car je sais toute la sympathie que vous avez conservée pour votre ancien collègue.

Je m’approchai donc, et les bruits de la terre m’arrivèrent plus distincts : La fin du monde ! s’écriait-on ; la fin du monde !… Eh ! mon Dieu, me dis-je, si c’est la fin du monde, que vont-ils devenir ?… La voix de votre président et mon ami étant venue jusqu’à moi, je l’entendis qui vous donnait lecture de quelques passages d’une brochure où l’on annonce la fin du monde comme très prochaine. Le sujet m’intéressa ; j’écoutai attentivement, et, après avoir mûrement réfléchi, je viens, comme l’auteur de la brochure, vous dire : Oui, messieurs, la fin du monde est proche !… Oh ! ne vous effrayez pas, mesdames ; car il faut en être bien près pour la toucher, et quand vous la toucherez vous la verrez.

En attendant, je vais, si vous le permettez, vous donner mon appréciation sur ce mot, épouvantail des cerveaux faibles, et aussi des Esprits faibles ; car, sachez-le, si l’appréhension de la fin du monde terrifie les êtres pusillanimes de votre monde, elle frappe également de terreur les êtres arriérés de l’erraticité. Tous ceux qui ne sont point dématérialisés, c’est-à-dire qui, quoique Esprits, vivent plus matériellement que spirituellement, s’effraient à l’idée de la fin du monde, parce qu’ils comprennent, par ce mot, la destruction de la matière. Ne vous étonnez donc pas que cette idée mette en émoi certains Esprits qui ne sauraient que devenir si la terre n’existait plus ; car la terre est encore leur monde, leur point d’appui.

Pour moi, je me suis dit : Oui, la fin du monde est proche ; elle est là, je la vois, je la touche ;… elle est proche pour ceux qui, à leur insu, travaillent à en précipiter l’avènement !… Oui, la fin du monde est proche ;… mais de quel monde est-ce la fin ?

Ce sera la fin du monde de la superstition, du despotisme, des abus entretenus par l’ignorance, la malveillance et l’hypocrisie ; ce sera la fin du monde égoïste et orgueilleux, du paupérisme, de tout ce qui est vil et rabaisse l’homme ; en un mot, de tous les sentiments bas et cupides qui sont le triste apanage de votre monde.

Cette fin du monde, cette grande catastrophe que toutes les religions s’accordent à prévoir, est-elle ce qu’elles entendent ? N’y faut-il pas voir, au contraire, l’accomplissement des hautes destinées de l’humanité ? Si nous réfléchissons à tout ce qui se passe autour de nous, ces signes précurseurs ne sont-ils pas le signal du commencement d’un autre monde, je veux dire d’un autre monde moral, plutôt que celui de la destruction du monde matériel ?

Oui, messieurs, une période d’épuration terrestre se termine en ce moment ; une autre va commencer… Tout concourt à la fin du vieux monde, et ceux qui s’efforcent de le soutenir travaillent énergiquement, sans le vouloir, à sa destruction. Oui, la fin du monde est proche pour eux ; ils le pressentent et s’en effraient, croyez-le bien, plus que de la fin du monde terrestre, parce que c’est la fin de leur domination, de leur prépondérance, à laquelle ils tiennent plus qu’à toute autre chose ; et ce sera, à leur égard, non la vengeance de Dieu, car Dieu ne se venge pas, mais la juste récompense de leurs actes.

Les Esprits sont, comme vous, les fils de leurs œuvres ; s’ils sont bons, c’est parce qu’ils ont travaillé à le devenir ; s’ils sont mauvais, ce n’est pas qu’ils aient travaillé à le devenir, c’est parce qu’ils n’ont pas travaillé à devenir bons.

Amis, la fin du monde est proche, et je vous engage vivement à prendre bonne note de cette prévision ; elle est d’autant plus proche, qu’on travaille déjà à le reconstruire. La sage prévoyance de Celui à qui rien n’échappe veut que tout se construise avant que tout soit détruit ; et lorsque l’édifice nouveau sera couronné, lorsque le faîte sera couvert, c’est alors que s’écroulera l’ancien ; il tombera de lui-même ; de sorte que, entre le vieux monde et le nouveau, il n’y aura pas de solution de continuité.

C’est ainsi qu’il faut entendre la fin du monde que présagent déjà tant de signes précurseurs. Et quels seront les ouvriers les plus puissants pour cette grande transformation ? Ce sont vous, mesdames ; ce sont vous, mesdemoiselles, à l’aide du double levier de l’instruction et du Spiritisme. Chez la femme en qui le Spiritisme a pénétré, il y a plus qu’une femme, il y a un ouvrier spirituel ; dans cet état, tout en travaillant pour elle, la femme travaille encore bien plus que l’homme à l’édification du monument ; car, lorsqu’elle connaîtra toutes les ressources du Spiritisme, et qu’elle saura s’en servir, la plus grande partie de l’œuvre sera faite par elle. En allaitant le corps de son enfant, elle pourra aussi allaiter son esprit ; et qui est meilleur forgeron que le fils d’un forgeron apprenti de son père ? L’enfant sucera ainsi, en grandissant, le lait de la spiritualité, et lorsque vous aurez des Spirites, fils de Spirites et pères de Spirites, la fin du monde, telle que nous la comprenons, ne sera-t-elle pas accomplie ? Étonnez-vous donc, après cela, que le Spiritisme soit un épouvantail pour tout ce qui tient au vieux monde, et de l’acharnement qu’on met à l’étouffer dans son berceau !


Jobard.



[1] [La Fin du monde en 1911, d’après une prophétie célèbre, par Joseph-Gustave Leserteur - Google Books.]


[2] [Propheties Barthélémy Holzhauser,1613-1658.]


[3] [Ce devis semble faire référence à Joël 2.28.]


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